Illustration artistique de l'horizon du trou noir au centre de notre galaxie. Crédits:M. Moscibrodzka, T. Bronzwaar & H. Falcke, Radboud Univ. |
C’est grâce à un réseau mondial de radiotélescopes qu’une équipe internationale d’astronomes essaiera en avril, une première dans l’histoire de l’astronomie, d’obtenir une image du centre de notre galaxie, là où se trouve un trou noir géant. Ce projet mondial s’appelle Event Horizon Telescope (EHT) et associe des télescopes du monde entier – de l’Europe jusqu’au pôle sud, en passant par le Chili et Hawaii.
Le télescope de 30-mètres de l’IRAM (financé en partie par le CNRS et situé au Pico Veleta dans la Sierra Nevada espagnole, près de Grenade) est la seule station d’observation en Europe à participer à la session d’observation en avril. La sensibilité de cet observatoire sera un atout précieux pour le projet EHT – après ALMA dans l’hémisphère sud, c’est le télescope le plus sensible du réseau actuel. Il ne sera surpassé que par NOEMA, l’autre observatoire de l’IRAM, situé au Plateau de Bure dans les Hautes-Alpes Françaises et dont le projet EHT profitera à partir de l’année suivante (2018). Grâce à ses 10 antennes ultra-sensibles, NOEMA sera la station d’observation la plus performante du réseau dans l’hémisphère Nord, à la recherche des mystères du trou noir du centre de notre galaxie.
Les trous noirs
Objets fascinants prévus par la relativité générale, les trous noirs ont une masse tellement importante que même la lumière ne peut s’en échapper. Ils ne sont donc pas observables directement. Leur présence a cependant été établie de manière indirecte, par l’observation de la forte attraction gravitationnelle qu’ils exercent sur leurs entourages. Mais il y a une autre manière d’observer un trou noir. La limite au-delà de laquelle la lumière (et évidemment toute la matière) est piégée par le trou noir a été appelée l’horizon du trou noir. Au moment où la matière franchit cette limite, la théorie prévoit qu’une dernière bouffée de lumière est émise, comme un dernier témoignage avant de sombrer dans le trou noir. Cette émission peut être observée, dans le domaine de longueur d’onde millimétrique. Il est donc possible de cartographier l’horizon d’un trou noir ! Le projet EHT a pour ambition de s’atteler à cette tâche et de cartographier le trou noir, d'environ 4 millions de masses solaires, qui trône au centre de notre Galaxie, la Voie Lactée, à environ 25 mille années-lumière de nous.
Observer en réseau depuis la Terre entière
Le télescope de 30-mètres de l’IRAM au Pico Veleta dans la Sierra Nevada espagnole. La sensibilité de cet observatoire sera un atout précieux pour le projet EHT. Crédits: IRAM/DiVertiCimes |
Les technologies permettant d’observer dans le domaine millimétriques ont fait des progrès considérables au cours de ces dernières décennies : les antennes, les systèmes de réceptions, les dispositifs électroniques de traitement des données, tous ont connus des développements clé. Observer un trou noir est devenu possible.
Reste le problème de la taille de ces objets, qui, vu depuis la Terre reste extrêmement faible. La solution consiste à faire de l’interférométrie. Le principe est le suivant: au lieu de construire un télescope gigantesque, on combine plusieurs observatoires comme s'ils étaient des petits fragments d'un miroir géant. Ceci permet d'obtenir un télescope virtuel de la taille de la Terre. Or, plus un télescope est grand, plus il permet de voir des détails fins (sa résolution angulaire a augmenté).
Le projet EHT entend ainsi observer en mode interférométrique, à une fréquence de 230 GHz, soit une longueur d’onde de 1,3 mm. La résolution angulaire maximum du EHT est de 26 micro-secondes d'arc, ce qui correspond à la taille d'une balle de golf sur la lune, ou de l'épaisseur d'un cheveu vu à 500 km de distance ! Ce type d’observations, dites VLBI (Very Long Baseline Interferometry) pose des défis techniques considérables : il suffit de mentionner que la précision nécessaire dans les observations nécessite d’utiliser des horloges atomiques –les plus précises qui soient– à chacun des observatoires participants !
L’IRAM
L’IRAM (Institut de Radio Astronomie Millimétrique) est un institut franco-allemand-espagnol, qui développe et gère les observatoires de Pico Veleta et NOEMA. L’IRAM a joué un rôle pionnier dans le développement des techniques VLBI à des longueurs d’onde millimétriques : les toutes premières observations de ce type ont été faites en combinant les deux observatoires de l’IRAM! Depuis, l’IRAM joue un rôle clé dans le réseau mondial, en y apportant deux des observatoires les plus sensibles. Tout récemment, les toutes premières observations en mode VLBI avec ALMA –le grand réseau installé au Chili– ont été faites en combinant les données d’ALMA et celles de Pico Veleta. Cet étape critique a permis de valider les développements technologiques et a ouvert la porte aux observations EHT.
La participation de l’IRAM au projet EHT est en partie financée par l’Union Européenne, qui a attribué une bourse ERC au projet « Black Hole Cam ».
Le projet Event Horizon Telescope (EHT) associe des télescopes du monde entier – de l’Europe jusqu’au pôle sud, en passant par le Chili et Hawaii. Crédits: IRAM |
The Black Hole Cam Project
Event Horizon Telescope